Le 2 février, le Grand Conseil a adopté une loi visant à réduire d’une année la formation initiale des enseignant-es de l’école primaire. Si l’enjeu n’était pas aussi grave, il serait presque réjouissant de voir la droite s’embourber dans des argumentaires plus incohérents les uns que les autres pour défendre cette loi inepte tout en cachant son profond mépris pour cette formation et plus globalement les enseignant-es du primaire. Que le PLR mène, sous l’égide de Monsieur Putallaz, une guerre idéologique et quasi-obsessionnelle contre la formation universitaire genevoise est de notoriété publique, qu’il soit parvenu à instrumentaliser son pari et le parlement pour la concrétiser questionne en revanche davantage.
Une fois l’argument financier écarté puisque la formation genevoise est actuellement une des moins chère de Suisse, il ne reste à une certaine partie de la droite (PLR, LJS et UDC) que l’harmonisation pour justifier cette réduction. C’est avec une bonne dose de mauvaise foi que les défenseurs de la loi assènent qu’il n’est pas question de diminuer mais d’harmoniser et d’améliorer. Mais améliorer quoi ? Quand ils sont interrogés, ils jurent pourtant leurs grands Dieux accorder un immense respect aux enseignant-es et à leur travail. Facile à dire, mais que lit-on entre les lignes d’un discours qui prétend respecter un corps de métier tout en refusant dans les faits obstinément de l’écouter ? Je ne m’attarderai pas sur le soudain soutien que ces député-es souhaitent apporter à ces « pauvres » étudiant-es genevois-es contraint-es de s’exiler en terres vaudoises pour gagner une année et entamer le plus vite possible une carrière de plus de 40 ans, mais il est évident – lorsqu’on priorise l’attractivité supposée d’une formation à l’attractivité de la profession – que la qualité de l’enseignement n’est pas l’enjeu du projet.
Les recherches montrent en effet que la qualité et la durée de la formation des enseignant-es ont non seulement un impact significatif sur les résultats scolaires des élèves, mais également sur la longueur de la carrière des professionnel·les et leur engagement dans le processus de formation continue.
Par ailleurs, pour répondre à la pénurie mondiale d’enseignant-es, le groupe de haut niveau des Nations Unies, en plus de préconiser une formation de niveau master pour tous les ordres d’enseignement, recommande aux gouvernements de garantir une rémunération compétitive, la sécurité de l’emploi, de bonnes conditions de travail et une charge de travail équilibrée. Or, il est évident que les politiques, notamment budgétaires, menées par le parlement genevois ces dernières années, s’inscrivent à l’opposé de ces recommandations. Derrière les belles paroles, l’enjeu de cette loi se situe probablement dans les propos les plus dégradants, mais aussi les plus spontanés qu’il nous a été donné d’entendre lors du débat parlementaire du 2 février. Dans une société capitaliste et patriarcale, les secteurs de l’enseignement, du social et des soins, relevant du « care » souffrent tout particulièrement de la lecture néolibérale de la reconnaissance de leur travail où leurs compétences sont justes considérées comme une extension de leurs capacités naturelles. La désinvolture avec laquelle sont traités les faits et les recherches dans ces débats montre que la guerre est ici avant tout idéologique et qu’il s’agit surtout de déclasser socialement une profession majoritairement féminine.