Argumentaire contre la réduction du temps de formation des enseignant·es du primaire (Loi 11926)

La SPG, comme le syndicat des enseignants romands et son partenaire suisse alémanique prône depuis plus de 30 ans une formation au niveau maîtrise pour l’ensemble des enseignant·es de la scolarité obligatoire. C’est pourquoi l’association professionnelle et syndicale s’emploie à combattre une vision minimaliste, indigne des défis actuels, et appelle les citoyen·nes à soutenir avec elle la revendication d’une formation élevée et exigeante pour les enseignants primaires.

argumentaire court

Une formation adaptée aux enjeux sociétaux

Une formation en 3 ans réduira le temps alloué à certains contenus indispensables pour répondre aux besoins d’élèves aux profils de plus en plus hétérogènes. La complexité des situations dans un canton urbain implique de fournir une formation dotant les étudiant·es des compétences nécessaires pour ajuster l’enseignement et favoriser les apprentissages, lutter contre les inégalités sociales, faciliter l’intégration, prévenir l’échec et le décrochage scolaires, offrir des soutiens différenciés et impliquer les familles.

Une formation trop coûteuse ?

Un des arguments justifiant la réduction de la formation serait financier. Or, le coût de la formation actuelle en 4 ans se situe en dessous de la moyenne suisse.

Former des généralistes polyvalent·es

Actuellement, le titre décerné par la formation genevoise permet d’enseigner à tous les degrés de l’école primaire, soit de la 1P à la 8P, grâce à la connaissance des contenus à enseigner sur l’ensemble du cursus et les objectifs finaux d’enseignement. Au niveau des ressources humaines, cette polyvalence favorise au sein des établissements scolaires la mobilité des professionnel·les. Elle constitue donc un atout tant pour les enseignant·es que pour les élèves et l’institution. Une formation en 3 ans remettra en cause cette polyvalence.

Une formation pratique importante

Une des forces de la formation genevoise est le nombre d’heures de présence dans les classes qui s’élève à 40%, l’un des plus élevé de Suisse. Une diminution de ce nombre d’heures impliquerait une baisse du niveau de compétence pratique des enseignant·es entrant dans le métier.

menaces contre l’égalité salariale

Cette loi menace un métier exercé à environ 80% par des femmes, métier qui se verra encore davantage déclassé par la diminution de sa durée de formation. En effet, sur le marché de l’emploi, le statut d’un métier et le salaire associé sont dépendants du diplôme requis. La déqualification du diplôme entraînera non seulement une baisse de l’attractivité du métier mais aussi une nouvelle augmentation de l’inégalité entre femmes et hommes.

argumentaire long

Nos élèves méritent mieux !

Il aura fallu moins de huit mois à cette nouvelle législature pour faire reculer l’école de 30 ans. Alors que la tendance globale est à l’augmentation du nombre d’années d’études, le Grand Conseil a adopté vendredi 2 février 2024 une loi visant à réduire la formation des enseignant·es de l’école primaire. Ce vote ne fait que consacrer le mépris que porte la droite genevoise à l’égard des premiers degrés de scolarité, où l’on se contente visiblement de « torcher des fesses » selon un député UDC, et le peu de cas qu’elle fait globalement de l’enseignement public. Un temps qu’on pensait révolu où seules des « maitresses enfantines » prenaient en charge les élèves de 4-5 ans ne semble plus si lointain. Genève pouvait se targuer d’avoir fait figure de pionnière dans ce domaine, en engageant bien avant la fin du siècle passé des maîtres dans les degrés enfantins grâce notamment à l’égalité salariale qui prévalait déjà entre les maîtresses et les maîtres de l’enseignement enfantin et primaire. Maintenant que l’école est devenue obligatoire dès l’âge de quatre ans, que l’appellation « école enfantine » a disparu, il serait particulièrement malvenu de vouloir réinstaurer, à terme, une division du corps enseignant à plusieurs niveaux (titres, statut, traitement salarial, …), contre laquelle la SPG s’était battue au nom de l’unicité du statut et donc du salaire.

Après avoir coupé une vingtaine de postes indexés à l’inflation démographique en décembre 2023, impliquant une augmentation mécanique des effectifs de classes dès la rentrée 24, voilà que la droite s’attaque à la formation initiale des enseignant·es primaires en reprenant un vieux projet de loi déposé en 2016, à savoir l’année où les dispositions de la loi sur l’intégration des enfants et des jeunes à besoins éducatifs particuliers ou handicapés (LIJBEP) ont été intégrées à la Loi sur l’instruction publique (LIP).

Une loi incohérente, irresponsable et méprisante

L’incohérence est globalement ce qui caractérise ce projet de loi et les propos de ses instigateurs. Il n’y a aucune logique à chercher dans cette nouvelle iniquité dirigée contre l’école publique et tout particulièrement l’école primaire car ceux-là même qui plaidaient hier pour augmenter l’horaire de l’écolier (4 périodes supplémentaires au primaire), arguant que davantage d’heures d’études ne pouvaient qu’améliorer la formation et le niveau des élèves genevois·es, estiment maintenant qu’il n’est pas nécessaire d’avoir les enseignant·es les mieux formé·es pour dispenser ces 32 périodes hebdomadaires au cycle 2. De surcroit, la droite est la première à dénoncer un nivellement par le bas et à pointer du doigt un illettrisme soi-disant en augmentation, mais alors que les besoins actuels de la société exigent des enseignant·es plus et mieux formé·es, capables d’enseigner à des élèves aux profils de plus en plus hétérogènes, et que les enjeux autour notamment de l’entrée en scolarité sont clairement identifiés, elle se contente d’un niveau de lecture de la formation basique, traduisant une vision particulièrement réductrice, voire dégradante tant de la profession que des contenus des enseignements prodigués aux plus jeunes enfants. Comment peut-on objectivement à la fois dénoncer avec un empressement certain la mauvaise qualité de l’école genevoise et militer pour une formation des enseignant·es au rabais ? A l’évidence, il est ridicule de réclamer d’une part un plus haut niveau de connaissances et de compétences pour les élèves et, d’autre part, de proposer de diminuer les exigences attendues de la part des enseignant·es. C’est pourtant bien à cette situation absurde que nous sommes confronté·es aujourd’hui suite au vote du parlement. Il est clair pour la SPG que ce nouvel épisode est emblématique de l’incohérence et de l’irresponsabilité de celles et ceux qui clament un peu fort que l’école appartient à tout le monde mais qui n’hésitent pas capter la parole au sujet d’une profession à laquelle ils ne connaissent rien, comme l’ont démontré la majorité des interventions émanant du PLR, de LJS, du Centre, du MCG et de l’UDC lors des débats du 2 février 2024.

Polyvalence et mobilité

La formation universitaire actuelle est la seule qui assure, par ses apports à la fois théoriques et pratiques, un haut degré d’expertise et une pratique réflexive tout en préservant le statut de généraliste et la polyvalence du corps enseignant, lui permettant d’enseigner sur l’ensemble de la scolarité primaire. Dans un contexte social où les carrières se prolongent et où la mobilité professionnelle devient un enjeu de santé au travail, il est tout simplement inepte de vouloir accélérer l’accès au marché du travail, tout en réduisant la mobilité de ces futur·es professionnel·les. En effet, selon les responsables suisses des formations d’enseignant·es un cursus en trois ans ne permet plus aujourd’hui de former des généralistes, à savoir des enseignant·es pouvant enseigner 14 disciplines sur 8 degrés et les HEP elles-mêmes demandent régulièrement qu’une année soit ajoutée à la formation initiale des enseignant·es du primaire. Ainsi, une réduction de la formation initiale induirait un report considérable sur la formation continue tout en contraignant les étudiant·es à se spécialiser. Une telle spécialisation porterait non seulement préjudice à la formation mais également à la qualité même de l’enseignement : le principe de la polyvalence intercycle assure la prévention de certaines difficultés d’apprentissage et une progression cohérente au fil des huit années que compte la scolarité primaire. Enfin, si la conseillère d’Etat a affirmé lors des débats parlementaires que seul·es cinq enseignant·es changeaient de cycle par année, cette allégation occulte toutes et tous les professionnel·les qui travaillent potentiellement sur plusieurs cycles, tel·les les ECSP, les enseignant·es complémentaires ou encore les titulaires d’un double degré 4-5P.

Une formation moins longue mais plus chère

Cette loi que la droite est parvenue à imposer, profitant de sa récente large majorité ne repose que sur des arguments fallacieux et idéologiques. Une formation en trois ans ne permettrait en effet ni de réduire les couts, ni d’assurer plus de pratique puisque les étudiant·es genevois·es sont actuellement celles et ceux qui passent le plus de temps dans les classes dans le cadre de leur formation. En effet, l’actuelle formation genevoise comme toute formation, ne saurait prétendre à une quelconque perfection et peut donc être critiquée et améliorée, mais elle permet aux étudiant·es qui passent près de 40%, contre 25% sur le canton de Vaud, de leur temps sur le terrain, d’expérimenter largement l’alternance plébiscitée entre la théorie et la pratique. Malheureusement, comme dans bien des cas dès qu’il s’agit d’école, le débat est biaisé et les instigateurs de la loi décrivent fallacieusement une formation uniquement académique qui produirait des enseignant·es sans aucune expérience professionnelle, totalement démuni·es lorsqu’elles ou ils débutent dans le métier. La recherche montre au contraire que l’expérience pratique a besoin de savoirs théoriques solides pour se montrer lucide et efficace dans les situations complexes.

Ce qui est avéré, c’est que la formation initiale actuelle du corps enseignant primaire se trouve être de très loin la moins chère de Suisse. Le cout de l’ensemble du cursus en quatre ans se situe en-dessous de la moyenne suisse, calculée sur 3 ans. C’est un excellent investissement si l’on songe à toutes les difficultés scolaires et sociales qu’il permet de prévenir. L’abrogation d’une année d’études ne permettrait d’ailleurs aucune économie tangible au niveau cantonal. En effet, si elle implique une baisse mécanique de 25% de la prestation de formation, le bilan financier de l’opération serait quant à lui non significatif, voire pourrait s’avérer en définitive négatif. D’une part la majorité des cours – dont les futur·es enseignant·es seronnt privé·es – resteront ouverts aux étudiant·es des autres filières (formation pour adultes, psychologie, etc.), d’autre part des formations complémentaires continues devront être mises sur pied pour compenser le manque induit par la réduction de la formation initiale et seront uniquement à la charge du canton, alors que la formation universitaire bénéficie de subventions fédérales.

Le soi-disant tourisme en sol vaudois

Selon plusieurs député·es et la conseillère d’État en charge du DIP, les étudiant·es genevois·es militeraient pour une formation plus courte et plus concrète, optant de se former à Lausanne, car la première année à Genève serait trop théorique. Or ce tourisme est lié principalement au numerus clausus imposé par le DIP, à savoir que seul·es une centaine d’étudiant·es par année sont accepté·es dans le cursus. Les étudiant·es n’ayant pas été retenu·es choisissent généralement de poursuivre leurs études à Genève en attendant de représenter leur dossier pour l’année suivante, mais il arrive effectivement que certain·es finissent leur parcours dans le canton de Vaud après leur année de tronc commun à Genève, finalisant leur formation concrètement en quatre ans. De surcroit, ces quatre années d’études n’ont rien de rédhibitoire pour les étudiant·es genevois·es qui plébiscitent la formation actuelle et s’opposent, par le biais de leur association, à toute révision à la baisse. Cette année encore 192 candidat·es ont déposé un dossier pour les 100 places disponibles. Ainsi, si ce tourisme coute si cher au canton, il suffirait probablement d’élever le numerus clausus pour le limiter. Cette loi et les objectifs abscons qu’elle poursuit relèvent davantage de l’idéologie que du pragmatisme et ne montrent qu’une fois de plus la méconnaissance des député·es qui l’ont soutenue du système scolaire — qu’ils prétendent défendre — et de la profession. Les déclarations affligeantes qui consistaient prétendument à porter la voix des enseignant·es n’ont fait que révéler leur volonté de parler en toute méconnaissance de cause à la place des professionnel·les, sans aucun égard pour leur expertise de l’école.

Des besoins en formation avérés pour répondre aux enjeux actuels

Par ailleurs, cette loi s’inscrit non seulement à l’encontre de l’augmentation de la complexité des situations et des besoins dans un canton urbain présentant une grande diversité sociale, mais elle est totalement irresponsable eu égard aux enjeux que les enseignant·es doivent appréhender notamment depuis la mise en œuvre de l’école inclusive qui a relevé au contraire le besoin de prolonger la formation initiale tel que le demande la SPG, selon notamment les recommandations de Swissuniversities. Pourquoi limiter à trois ans la durée formation des enseignant-es ordinaires alors que celle de leurs collègues spécialisé-es est de cinq ans ? Ne voit-on pas que cet écart absurde ne pourra qu’alimenter l’exclusion des élèves fragiles hors de l’école commune, en contradiction avec des appels au vivre ensemble hypocritement répétés ? En 2007, la Conférence suisse des recteurs des Hautes Écoles Pédagogiques affirmait déjà que « l’activité enseignante et éducative des enseignant·es de la scolarité́ obligatoire est devenue tellement exigeante qu’une formation de Bachelor de trois ans ne suffit plus pour enseigner à l’école obligatoire ; en demandant aux futur·es enseignant·es de la scolarité́ obligatoire de suivre un cursus de master (neuf à dix semestres d’études), on renforce sensiblement l’attractivité́ de la profession et ce, tant auprès des enseignant·es qu’au sein de la société ».

La Suisse exception européenne

Faut-il rappeler d’ailleurs que c’est sous l’impulsion de la conseillère d’État en charge du département de l’instruction publique, Martine Brunschwig Graf, dans les années 90, que la formation pédagogique est passée de trois à quatre ans lorsque qu’elle a été intégralement implantée à l’Université ? En effet, il y a plus de 30 ans, le besoin d’améliorer la formation des futur·es enseignant·es du primaire s’est fait ressentir à travers toute la Suisse. Les autres cantons suisses, quelques années plus tard, ont décidé également de prolonger la formation de leurs enseignant·es en passant d’un système d’écoles normales à la création de Hautes écoles pédagogiques (HEP). L’ensemble des enseignant·es a dès lors bénéficié d’une année supplémentaire de formation, et ce, dans toute la Suisse. Ainsi, si Genève reste aujourd’hui le seul canton suisse à proposer une formation universitaire d’une durée de quatre ans, sur le plan international, elle est loin d’être marginale. De nombreux pays ont opté pour une formation de ce type notamment, ceux qui sont internationalement reconnus pour leurs travaux de recherches en pédagogie, tels que le Canada, notamment au Québec, la Finlande et Singapour. Ainsi, sur le plan national, Swissuniversities explore et travaille sur une augmentation de la durée de la formation des enseignant·es pour l’ensemble des HEP suisses. Sur le plan international, dans les pays de l’OCDE, toutes les formations durent désormais au moins quatre ans. Le Québec par exemple propose une formation universitaire de quatre ans, comparable au modèle genevois. Nos voisins, l’Allemagne, la France et l’Italie exigent une formation de cinq ans (niveau Master), tout comme les pays dont les élèves obtiennent les meilleurs résultats aux tests PISA, la Finlande et la Corée du Sud. La Belgique était l’une des dernières exceptions, mais elle vient de passer de trois à quatre ans. La Suisse, à l’exception de Genève, fait donc partie des derniers pays qui forment ses enseignants primaires en trois ans.

Par ailleurs, même si, pour l’instant, l’exigence de reconnaissance intercantonale demeure obstinément au niveau baccalauréat, rien n’interdit à Genève de fixer un palier plus ambitieux. Il faut donc combattre l’argument spécieux de la droite qui prévoit une formation réduite pour le primaire au niveau baccalauréat en prétextant s’aligner sur les normes minimalistes suisses alors que l’exception de la FAPSE prévaut depuis 27 ans à Genève. La population n’a aucune raison de se laisser berner de la sorte et les citoyen·nes devraient attendre de la part des dirigeant·es un peu plus d’ambition pour que Genève ne dilapide pas les formidables ressources en formation dont elle dispose et n’ait pas à rougir dans quelques années de sa récente et dogmatique petitesse de vue. Aussi, l’argument simpliste, ânonné par celles et ceux qui ne sont guère gêné·es par leurs œillères consiste simplement à vouloir « calquer » la formation genevoise sur les autres cantons suisses, sans être parvenu·es à présenter le moindre avantage pratique et effectif, et au moment même où toutes les associations enseignantes et hautes écoles du pays estiment qu’il faudrait au contraire une consolidation.

La Suisse pas si bonne élève

En outre, selon la dernière étude PISA, la Suisse s’avère malheureusement être plus inégalitaire que la moyenne des pays de l’OCDE. En mathématiques, notamment, ont été mesurés plus de 100 points d’écart entre les élèves issu·es des milieux les moins favorisés et celles et ceux des milieux les plus favorisés. Un écart qui se creuse depuis 2015 et qui démontre que l’origine socio-économique et le parcours migratoire demeurent des facteurs déterminants de la réussite scolaire. D’ailleurs, les études ont clairement établi une corrélation entre la qualité et la longueur de la formation des enseignant·es et les résultats scolaires de leurs élèves. Ainsi supprimer une année d’études, reviendrait tout simplement à affaiblir le niveau global de formation dont souffrirait en premier lieu les élèves les plus vulnérables que la littérature scientifique a clairement identifié·es. Ainsi, en plus d’être irresponsable et méprisante, cette loi est également profondément discriminante et antisociale. Tous les domaines de la vie en société sont touchés par l’école : maitrise des langues, de la lecture, de l’écriture et des formes d’expression ; culture mathématique, scientifique, numérique, pensée critique et rapport à la vérité ; connaissance du monde, éducation citoyenne et avenir commun ; éducation artistique, découverte du patrimoine et dialogue entre les cultures ; éducation physique, sportive et à la santé ; inclusion scolaire, lien social et solidarité ; intégration des familles et projet éducatif partagé ; éducation aux médias, aux écrans, aux réseaux, aux risques d’emprise et de manipulation ; prévention de la violence, du harcèlement, des incivilités… Désinvestir ces enjeux est une politique à courte vue. Et croire que le bon sens de praticiens formés sur le tas suffira est tourner le dos à ce qui fonde l’école elle-même : la nécessité de comprendre le monde pour espérer le rendre meilleur…

Faut-il un master pour « torcher des fesses » ?

Il ne suffit pas de transmettre des connaissances et faire régner l’ordre en classe pour enseigner. La formation actuelle professionnalise les futur·es enseignant·es en leur permettant de construire la capacité d’interroger leur pratique et leur environnement direct sur la base d’une réflexion de tout instant. Le profession enseignante n’a rien d’intuitif à l’instar de n’importe quelle autre profession. Songer un seul instant que l’enseignement relève d’une forme d’artisanat ne requérant aucune autre connaissance que celle dont la pratique fait le don, revient à dire que la seule expérience forge le corps enseignant et qu’il n’est nul besoin de développer des compétences en la matière, mais simplement d’exécuter un savoir-faire ou d’appliquer quelques « trucs et astuces ». Pourtant, la seule transmission du savoir ne suffit pas, elle n’est qu’un préalable à la compréhension de la société actuelle et aux enjeux de demain. Plus qu’un simple leg de la connaissance, l’école doit développer la compétence d’adaptation aux problématiques de son temps, ce que le philosophe Michel Foucault appelle : problématiser le présent. Priver les futur·es enseignant·es de ce bagage d’outils réflexifs et les restreindre à l’observation de la profession in vivo, c’est les condamner à devenir une cristallisation sclérosée de leur temps et non des visionnaires averti·es.

La dénomination des porteurs du projet, est constituée d’une rhétorique fallacieuse et réductrice qui vise, faute d’arguments véritables, par les procédés de la généralisation et de la catégorisation, à toucher le plus grand nombre en simplifiant excessivement la réalité. De ce plaidoyer populiste, dénué de toute réflexion, découle un raisonnement hâtif qui ne démontre que le mépris de ce gouvernement pour la formation initiale, in extenso la profession enseignante et plus globalement pour l’enseignement dans les premiers degrés. Au contraire, la SPG considère que les premières années de la scolarité sont d’une importance capitale pour le développement d’un enfant et conditionnent fortement son avenir, sa formation future, sa capacité à apprendre ainsi que le rapport aux savoirs qu’il entretiendra sa vie durant. Elle est fière de rappeler ce qu’ont depuis longtemps clamé les grands savants genevois, à commencer par Jean Piaget : « plus l’écolier est jeune et plus l’enseignement est difficile ainsi que gros de conséquences pour l’avenir ». S’il semble aujourd’hui impensable que l’on ne cherche pas à mettre devant les élèves des enseignant·es muni·es d’un degré de formation et d’expertise le plus élevé possible, c’est bien le projet de la droite quand elle impose en force une réduction de leur formation initiale.