Billet de la présidente · L’Educateur · Décembre 2020
Réunie en Assemblée des délégué·es (AD) mardi 17 novembre, la SPG a voté à l’unanimité une résolution prenant position contre le dispositif de continuité de l’enseignement à l’école primaire prévu par la direction générale de l’enseignement obligatoire (DGEO). La SPG refuse cette tentative de normer des pratiques parfaitement exécutées depuis de nombreuses années (gestion des élèves absent·es) et d’imposer des pratiques d’enseignement à distance qu’elle juge inapplicables dans les faits et éthiquement inacceptables. Elle a donc demandé explicitement au Département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (DIP) et à la DGEO de retirer ce dispositif afin d’en produire une nouvelle version en concertation avec le syndicat.
L’enseignement à distance: un leurre
Si la SPG a toujours soutenu la continuité du lien pédagogique, elle s’oppose fermement à l’idée de prodiguer un enseignement à distance. Le semi-confinement de ce printemps a en effet montré que la relation pédagogique construite «en présentiel» est indispensable pour l’apprentissage et l’accompagnement des élèves. Pour assurer l’égalité des chances, il est notamment inacceptable que des élèves de l’école primaire soient évalué·es sur des notions nouvelles enseignées à distance. L’enseignement dans les écoles obligatoires ne peut donc avoir lieu qu’à l’école.
Par ailleurs, un·e enseignant·e ne peut à la fois enseigner pour les élèves présent·es en classe et, en plus, à distance pour les élèves en quarantaine. Cette surcharge de travail peut en effet mener rapidement à l’épuisement des enseignant·es déjà mis·es à mal dans un contexte difficile. La gestion de leurs propres quarantaines et celles parfois multiples de leurs élèves, laissée complétement à charge des enseignant·es, a grandement affecté le corps enseignant. Il est également intéressant de relever que les cantons de Genève et de Vaud sont les seuls à exiger cette double prestation de la part de leurs collaborateurices.
Injonctions contradictoires et velléités de contrôle
Après une apparente prise de conscience ce printemps de nos gouvernements fédéraux et cantonaux des véritables objectifs de l’école et de l’engagement sans limite des enseignant·es, il semblerait malheureusement que nos dirigeant·es de tous les niveaux aient vite retrouvé leurs habitudes de contrôle.
Depuis la rentrée, les injonctions pédagogiques absurdes et souvent contradictoires pleuvent. L’expérience de terrain des enseignant·es démontre qu’il est impossible de maintenir les écoles et leur fonctionnement habituel dans la situation exceptionnelle que nous vivons. Il est impensable de contraindre les enseignant·es à respecter strictement les programmes et les délais trimestriels, tout en prétendant appliquer des mesures sanitaires visant à garantir la sécurité des élèves et des enseignant·es dans les écoles tant ces injonctions sont contradictoires et inconciliables. Si le Conseil d’État genevois reconnait à peine l’état d’épuisement du personnel soignant, le DIP et la DGEO continuent à nier tout simplement l’épuisement qui commence à affecter également le corps enseignant. Puisque l’employeur persiste à vouloir garder la main et ne parvient pas malheureusement à accorder sa confiance à ses collaborateurices, il lui revient, dans ce contexte exceptionnel, de trouver des réponses exceptionnelles pour soulager les écoles.
Le Conseil d’État, quant à lui, doit renoncer à sa stratégie complètement déconnectée de la réalité, qui tend à faire croire que tout est sous contrôle dans un monde qui s’effondre. Les mesures prises par le gouvernement ne laissent, en effet, plus aucun doute quant à son orientation politique. Il apparait toujours plus clairement que maintenir une école primaire de qualité ne fait pas partie de ses priorités.
Le comité de la SPG, alerté par le degré de fatigue des collègues, a demandé au Conseil d’État et à la DGEO que des mesures soient prises urgemment pour soulager le système scolaire genevois. Dans les autres cantons romands, différentes mesures, comme l’annualisation de l’évaluation, l’engagement de jeunes retraité·es ou d’étudiant·es pour assurer les remplacements, sont adoptées pour soulager les enseignant·es. Le Conseil d’État genevois, de son côté, minimise l’impact de la crise dans les écoles genevoises et tarde à prendre des mesures pour protéger enseignant·es et élèves tant au niveau sanitaire qu’au niveau psychologique. Depuis, le début de la crise sanitaire, la SPG n’est pas consultée et à peine informée des différentes mesures sanitaires introduites ou modifiées. Elle souhaite aujourd’hui renouer le dialogue social avec ses partenaires, le DIP et la DGEO, afin de construire ensemble un nouveau dispositif plus réaliste, plus éthique et plus proche des besoins du terrain.
Francesca Marchesini, présidente de la SPG
Ce billet est paru dans le journal L’Educateur · Décembre 2020