Communiqué de presse du comité référendaire contre la réduction du temps de formation des enseignant·es
Genève, le 20 août 2024
Sabrer la formation des enseignant·es, c’est faire payer les élèves !
Les associations, les syndicats et les partis ici présents se sont réunis pour défendre une école publique, juste et solidaire en s’opposant à la réduction d’une année de la formation initiale des enseignant·es du primaire. Si Genève reste marginale au niveau national et qu’elle est le seul canton suisse à proposer une formation en 4 ans, elle s’inscrit au contraire au niveau international dans la tendance générale. La Suisse est désormais le seul pays de l’OCDE à former encore ses enseignant·es primaire en 3 ans. D’ailleurs, le Groupe de haut niveau sur la profession enseignante du Secrétaire général des Nations Unies recommande « un diplôme de l’enseignement supérieur de premier cycle et idéalement d’un master ou d’un diplôme équivalent » pour les enseignant·es de tous les niveaux. Genève – préservée par l’attractivité de sa formation et la reconnaissance salariale qui en découle – n’est pas encore affectée par la pénurie d’enseignant·es qui touche de très nombreux cantons et plus largement de très nombreux pays dans le monde.
SER · le point de vue romand
Depuis de nombreuses années, le SER milite pour une formation suffisante et de qualité pour les enseignant·es, quel que soit le degré d’enseignement. Au niveau de l’école primaire, convaincu de l’importance d’enseignant·es bien préparé·es aux défis la profession, la faîtière romande défend une formation de généraliste 1H à 8H d’un volume équivalent à celui d’un master, à l’instar de la quasi-totalité des pays de l’OCDE. La formation initiale proposée dans le canton de Genève répond à ces attentes. Ce volume de formation est nécessaire pour répondre aux réalités du métier et aux exigences du terrain. La complexité grandissante de la profession nécessite une formation certifiante qui prépare les générations futures d’enseignant·es.
ADEFEP · le point de vue des étudiant·es
Les étudiant·es représenté·es par l’ADEFEP s’opposent formellement à la réduction de la durée de leur formation. Une telle réduction aurait un impact direct sur la qualité de l’enseignement dispensé à Genève, un canton qui, jusqu’à présent, a su préserver un haut niveau d’exigence pour la formation de ses enseignant·es, tel que recommandé par les associations professionnelles, swissuniversties et l’ONU. S’il est vrai que certain·es étudiant·es quittent Genève pour poursuivre leur formation dans le canton de Vaud, à la HEP, il est important de souligner que cet « exode » ne s’explique pas généralement par la durée des études. En réalité, c’est la procédure de sélection en deuxième année, imposée par le DIP, qui est la cause principale de ce phénomène. Les étudiant·es qui ne sont pas retenu·es se tournent alors vers la HEP vaudoise, non par choix, mais par défaut. Ainsi, une formation plus courte n’est pas forcément plus attractive, comme le montre les 243 dossiers soumis en 2024, et c’est davantage la pression du concours qui pousse ces étudiant·es à chercher des alternatives. Par ailleurs, les étudiant·es défendent une formation de qualité, qui leur permettra d’être pleinement outillé·es en arrivant sur le terrain. Pour relever les défis, une formation solide est indispensable. Les études montrent d’ailleurs que les étudiant·es mieux formé·es durent davantage dans le métier. Ainsi, l’ADEFEP préfère voir arriver les nouveaux et les nouvelles engagé·es une année plus tard sur le terrain que de les voir démissionner au bout de quelques années seulement par manque de formation.
Impact de la formation sur les apprentissages des élèves, ce que la recherche nous apprend
Les études montrent que dans le cadre de la formation des enseignant·es il est indispensable d’articuler les connaissances des sciences de l’éducation à la formation pratique : articulation qui est au cœur de la formation genevoise actuelle. De plus, les recherches mettent en évidence que la qualité et la durée de formation déterminent, comme dans les autres métiers, le niveau de qualification des enseignant·es. Ce niveau a un impact significativement positif sur les apprentissages et les résultats scolaires des élèves dans les principales matières scolaires enseignées, en particulier dans les disciplines fondamentales que sont la lecture et les mathématiques. Les études attestent également que le volume et la durée de la formation initiale impactent la volonté des professionnel·les de se perfectionner tout au long de leur carrière. Il est donc faux, d’affirmer que les déficits de compétences dus à une formation initiale raccourcie pourraient être comblés par la formation continue.
Des vrai·es généralistes dans un canton qui bouge
Une formation réduite ne permettrait plus d’enseigner toutes les disciplines au cycle élémentaire (1P-4P) et au cycle moyen (5P-8P). Les étudiant·es devront choisir dans quel cycle enseigner ou alors compenser ce déficit par des formations continues ou complémentaires onéreuses pour le canton. Ce sont directement l’unicité du statut et la mobilité professionnelle qui sont attaquées au détriment des professionnel·les et des élèves. En effet, dans un canton dynamique comme Genève, des réorganisations internes conduisent les enseignant·es à changer provisoirement de cycle afin de préserver la cohésion d’équipe ou de rester dans le même établissement. La mobilité professionnelle constitue aujourd’hui un enjeu majeur de la santé au travail. L’enseignement est une profession « captive » offrant peu d’évolutions de carrière, il est donc défavorable pour les professionnel.les de vouloir accélérer leur entrée sur le marché du travail tout en réduisant leur mobilité professionnelle et la flexibilité organisationnelle qu’elle offre à l’employeur.
Combattre une vision minimaliste et élitiste de l’école primaire
La réduction de la formation initiale des enseignant·es réduira la qualité de l’enseignement ce qui aboutira à une aggravation des inégalités scolaires puis sociales. A travers la loi soumise en votation, la droite promeut une vision de l’école à la « grand papa », élitiste, dans laquelle les élèves les plus fragiles sont laissé·es sur le bord du chemin. L’abrogation de cette année de formation est une solution « perdant-perdant ». En effet, une formation de 3 ans ne permettra pas de faire des économies puisqu’il faudra compenser l’année d’étude « économisée » par la formation continue. Or, la formation continue est à charge du canton, alors que la formation actuelle est partiellement financée par la Confédération.
Finalement, une formation initiale plus courte constitue un risque important de dévalorisation salariale des enseignant·es. Le niveau de formation étant un critère important de l’évaluation des fonctions, il est fort probable qu’au moment de l’adoption de la révision de la grille salariale de l’Etat G’évolue, la réduction du niveau de formation entraîne une réduction de la rémunération des enseignant·es du primaire.
Au-delà de ces considérations, le contexte genevois justifie une formation de 4 ans. En effet, Genève accueille dans ses classes plus de 50% d’élèves allophones et ses effectifs sont toujours parmi les plus élevés de Suisse. D’ailleurs, même si, pour l’instant, l’exigence de reconnaissance intercantonale demeure au niveau Bachelor, rien n’interdit à Genève de se montrer plus ambitieuse. Il faut s’opposer fermement à la réduction de la formation genevoise au prétexte de s’aligner aux normes suisses.
Les citoyen·nes genevois·es sont en droit d’attendre davantage d’ambition de la part de leur dirigeant·es et d’exiger que Genève ne dilapide pas les ressources en formation dont elle dispose actuellement, en votant NON le 22 septembre, afin de ne pas avoir à rougir dans quelques années de sa récente et dogmatique petitesse de vue.
Pour le comité référendaire
SPG : Francesca Marchesini,
Association des étudiant·e·x·s : Jérome Simonet
C-A-F-E (Comité Autonome des Formateur-trice-s d’Enseignant.e.s) : Thérèse Thévenaz-Christen et Alain Müller,
FEG et Cartel intersyndical : Michaël Savoy,
Parti Socialiste : Sophie Demaurex,
Vert·es : Marjorie de Chastonay,
solidaritéS : Jocelyne Haller.