Votation populaire du 22 septembre 2024, concernant la formation des enseignant.es primaires du Canton de Genève : comment ne pas succomber aux modèles de pensée simplistes.

Lettre de lectrice adressée à la TdG

Pourquoi deux trains se rencontrent-ils alors que les signaux fonctionnent correctement ? Pourquoi un réacteur nucléaire explose-t-il alors que tout semble être sous le contrôle des spécialistes ? Pourquoi tant de nos projets professionnels ou personnels, si soigneusement et précisément mis au point, sont-ils voués à l’échec ? Dans son ouvrage « La logique de l’échec » paru en 1998, Dietrich Dörner analyse les raisons qui nous font commettre des erreurs, avec parfois des conséquences tragiques, malgré notre expérience, notre intelligence, et malgré toutes les informations dont nous disposons. Et de façon surprenante, la réponse ne se trouve pas dans la négligence mais dans une certaine tendance à utiliser des modèles de pensée devenus inadéquats.

Face au débat concernant la nécessité – ou l’absurdité – de faire entrer la formation universitaire des enseignant.es primaires du canton de Genève dans le moule des Hautes Écoles Pédagogiques existantes dans les autres cantons suisses, les électeurs se trouveront inexorablement confrontés au dilemme du bon choix : qu’a-t-on à gagner, voire à perdre en mettant fin au « Sonderfall genevois » qui exige une formation en quatre alors que les autres cantons se « contentent » de trois années ? Est-il vrai ou faux que les enseignant.es du primaire – qui ne s’occupent que d’élèves en bas âge – auraient besoin de moins de connaissances, de moins de compétences que ceux des degrés suivants ? Comment justifier à la longue qu’un certain nombre d’étudiant.es soient contraint.es de faire leurs études dans d’autres cantons, étant donné le concours d’entrée dans la formation qui ne permet d’accueillir que 100 candidats par année ?

Par rapport à ces questions qui, inévitablement suscitent des polémiques enflammées, il est difficile de ne pas succomber aux chants des sirènes qui recommandent de « faire rentrer » Genève dans les rangs, de permettre au canton de faire des économies, de croire celles et ceux qui critiquent les fondements de la formation des enseignant.es primaires genevoise. Et qui, à force de polémiques et de mauvaise foi, parviennent à semer le doute en ce qui concerne les réalités et les avantages d’un dispositif de formation en alternance qui fut le fruit d’un long processus de co-construction entre gens du terrain, représentant.es de la politique et de la recherche afin de parvenir à une articulation optimale entre savoirs de la profession, savoirs savants et réalités culturelles et institutionnelles du canton, exigence fondée sur une longue tradition, nationalement et internationalement reconnue, en matière de recherche interdisciplinaire sur le développement de l’enfant et les pédagogies à même de la favoriser.

Au bout de ce processus, il a été possible de créer la formation genevoise universitaire des enseignant.es primaires, qui n’a, depuis son entrée en vigueur, pas cessé d’intégrer les apports de la recherche et de la pratique. Ne serait-ce pas se mettre dans une logique d’échec que de vouloir l’écorner pour répondre aux demandes de quelques esprits chagrins alors que la tendance va, sur la scène internationale, dans le sens de l’élever à court et moyen terme, au rang de master afin de pouvoir répondre à la complexité d’un métier qui ne cesse de croître au vu de l’évolution de notre société ?

Monica Gather Thurler  
Professeure associée retraitée  
Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Genève