L’Internationale de l’Éducation (IE) se présente comme la voix des enseignant·es et des personnels de l’éducation à travers le monde. Avec ses 383 organisations membres, elle représente plus de 32 millions d’enseignant·es et de personnel de soutien à l’éducation dans 178 pays et territoires. Son 10e Congrès a réuni du 29 juillet au 2 aout 2024, à Buenos Aires en Argentine, plus de 1200 dirigeant·es de syndicats de l’éducation, issu·es de 150 pays, pour réfléchir aux défis actuels de l’enseignement public et aux réalisations du mouvement syndicat mondial de l’éducation.
En guise d’introduction, la présidente Susan Hopgood a souligné le rôle central de l’IE dans la construction d’un avenir durable et la résolution des défis mondiaux par le biais de l’enseignement public. Au cours de sa quatrième décennie d’existence en tant que Fédération, l’IE a su forger son expertise et sa réputation, devenant ainsi une force non seulement pour l’éducation, mais également pour les valeurs de droits humains, de durabilité et de démocratie à travers le monde. Malgré les conflits armés, les changements climatiques, la récession économique, l’instabilité politique et la montée des autocraties qui bouleversent tous les continents, elle affirme que la détermination de l’IE à favoriser le progrès, créer des opportunités pour faire progresser le droit à l’éducation et à défendre la démocratie n’a jamais été aussi forte. La crise de l’éducation ne constitue pas un phénomène isolé qui nous oppose à des adversaires dont les ressources sont nettement supérieures aux nôtres. Les syndicats de l’éducation doivent assumer un rôle majeur dans le plaidoyer pour la finance mondiale et la responsabilité des gouvernements envers le secteur public. Si les pays en développement continuent à dépenser davantage pour le service de la dette que pour l’éducation, la pénurie mondiale d’enseignant·es ne cessera de s’aggraver. Par ailleurs, chaque pays se doit d’éradiquer la fraude fiscale des entreprises qui privent les caisses de l’État de ressources considérables.
Les recommandations de l’ONU
L’importance des enseignant·es dans la réalisation d’une éducation de qualité pour toutes et tous n’a pas toujours été universellement admise. En effet, les professions de l’éducation du monde entier sont dévalorisées et déclassées socialement. La moitié des pays du monde offrent aux enseignant·es des salaires moindres comparés aux autres professions exigeant un niveau de qualification équivalent. Leurs conditions de travail se détériorent : des charges de travail écrasantes et des exigences administratives asphyxiantes les conduisent à quitter cette profession qu’ils·elles aiment et dont le monde a besoin. Néanmoins, résultant en grande partie des plaidoyers des syndicats, Antonio Guterres, Secrétaire général de l’ONU, a constitué en février 2024 un Groupe de haut niveau des Nations Unies sur la profession enseignante, composé d’expert·es internationaux et soutenu par l’OIT et l’UNESCO pour répondre à la pénurie de 44 millions d’enseignant·es, enfin reconnue comme un enjeu majeur et prioritaire. David Edwards, secrétaire général de l’IE, a souligné l’importance des recommandations issues de ce groupe, les décrivant comme « une grande réussite, sans équivalent en termes de résultats positifs pour la politique relative aux enseignant·es au niveau international ». Ces recommandations « historiques » reflètent les revendications syndicales de longue date et exhortent les gouvernements à rejeter les mesures d’austérité et à accroitre les investissements dans les systèmes d’enseignement publics, y compris la formation des enseignant·es et le développement professionnel ; garantir les droits du travail et les conditions de travail décentes, à savoir une rémunération compétitive, la sécurité de l’emploi, de bonnes conditions de travail et une charge de travail équilibrée ; associer les syndicats à l’élaboration des politiques d’enseignement, les impliquer dans les processus décisionnels et respecter l’expertise professionnelle des enseignant·es. David Edwards incite les syndicats de l’éducation du monde entier à s’unir pour porter ces recommandations aux tables de négociation et à diffuser massivement ce nouveau consensus mondial sur les mesures à adopter pour garantir une éducation de qualité.
La solidarité syndicale et internationale au service de l’enseignement public
Rappelant la période du covid-19, David Edwards a fait l’éloge des enseignant·es du monde entier, notant que « tout a fermé, mais nous n’avons pas fermé. Nous avons maintenu vivante la vision que nous défendons chaque jour en tant qu’enseignant·es et personnel de soutien à l’éducation — un lieu appelé école, symbole vivant de résilience et d’ambition au cœur de nos communautés ». Des millions d’enseignant·es ont maintenu l’éducation en vie pour des dizaines de millions d’élèves et la solidarité syndicale transfrontalière a permis de relever le défi de cette crise sanitaire. « Aucune organisation mondiale en dehors des secteurs de la santé n’a été plus engagée dans la réponse mondiale au covid que notre fédération. »
La même solidarité inébranlable s’est manifestée à maintes reprises au-delà des frontières, chaque fois que des droits ont été bafoués ou menacés : « Lorsque les droits syndicaux des enseignant·es sont supprimés, nos valeurs de dignité, d’humanité et de solidarité nous obligent à plaider en faveur de leur rétablissement », déclame David Edwards, soulignant les nombreuses actions de solidarité menées depuis 2019 pour soutenir les collègues du Myanmar, d’Israël, de Gaza, d’Ukraine, d’Eswatini, de Turquie, de Hong Kong, de Biélorussie, des Philippines, d’Ouganda, du Mali, d’Iran, de Tanzanie, d’Argentine, d’Haïti et d’Afghanistan.
Défendre un enseignement public de qualité
Depuis cette tribune d’envergure internationale, les enseignant·es ont envoyé au monde un message unitaire, exigeant des actions urgentes pour remédier à la pénurie de personnel dans leur métier. « Les éducatrices et éducateurs du monde entier ne se contentent pas de tirer la sonnette d’alarme devant cette crise qu’est la pénurie d’enseignant·es, mais ils proposent des solutions viables. Les recommandations émanant du Groupe de haut niveau soutiennent nos exigences et ouvrent une voie claire pour l’avenir », a conclu Susan Hopgood.
Le 10e Congrès mondial de l’IE a adopté des mesures vastes et ambitieuses pour remédier à la pénurie mondiale d’enseignant·es, mais s’est également doté de nombreuses résolutions pour lutter contre le sexisme, le racisme, l’homophobie et toutes les formes de discriminations, en faveur d’une justice environnementale tenant compte des enjeux climatiques, de la montée des régimes d’extrême droite et en appelant à la paix dans le monde. Les représentant·es de l’éducation réuni·es à Buenos Aires encouragent les personnels de l’éducation à se rallier autour de la campagne de l’IE, « La force du public : Ensemble, on fait école ! », qui appelle les gouvernements à investir davantage dans l’enseignement. Les syndicats d’enseignant·es dont la ferveur, l’engagement et la dynamique sur le terrain sont indéniables, continueront sans relâche à se mobiliser et à s’organiser pour garantir à chaque enfant son droit à l’éducation et donc l’accès à un enseignement public gratuit et de qualité, prodigué par un·e enseignant·e qualifié·e.
Francesca Marchesini, présidente de la SPG
Paru dans l’Educateur, octobre 2024